Les trois
hommes campèrent à vingt-cinq kilomètres à l’ouest de l’endroit où ils avaient laissé Stu. Ils étaient arrivés devant un autre éboulement, beaucoup plus petit cette fois. Mais s’ils n’avaient pas fait plus de route, c’est qu’ils n’avaient plus le cœur à marcher. Leurs pieds leur paraissaient de plomb. Ils avaient marché sans se parler ou presque, évitant de se regarder dans les yeux, de peur de voir chez l’autre la culpabilité que chacun ressentait.
La nuit tombait et ils firent un feu de broussailles. Ils avaient de l’eau, mais rien à manger. Glen bourra sa pipe avec ce qu’il lui restait de tabac et se demanda tout à coup si Stu avait des cigarettes. Cette idée lui enleva toute envie de fumer et il vida distraitement sa pipe en la tapotant sur une pierre, sans penser qu’il ne lui restait plus un brin de Borkum Riff. Lorsqu’un hibou hulula quelque part dans le noir, il regarda autour de lui.
– Où est Kojak ?
– C’est drôle, répondit Ralph, il me semble qu’il y a plusieurs heures déjà que je ne l’ai pas vu.
Glen se leva d’un bond.
– Kojak ! Ohé ! Kojak !
Kojak !
Sa voix lui revint, renvoyée par l’écho. Mais aucun aboiement ne lui répondit. Il se rassit en laissant échapper un soupir, accablé de tristesse. Kojak l’avait suivi presque d’un bout à l’autre du continent. Et maintenant, il avait disparu. Sinistre présage.
– Vous pensez qu’il a pu se faire attaquer par une bête ? demanda Ralph d’une voix très douce.
– Il est peut-être resté avec Stu, dit tout bas Larry.
Glen leva les yeux, surpris.
– Peut-être, finit-il par répondre. Peut-être bien.
Larry jonglait machinalement avec un caillou, main gauche, main droite, main droite, main gauche.
– Stu a dit que Dieu lui enverrait peut-être un corbeau pour le nourrir. Je ne sais pas s’il y a des corbeaux par ici, mais Il a pu lui envoyer un chien.
Le feu craqua, envoyant dans la nuit noire une colonne d’étincelles qui tournoyèrent quelques instants, puis moururent.